(Ce voyage a été partagé au coin du Feu dans un tipi lors de la pleine lune de Samhain 2023, accompagné au violoncelle en improvisation totale par Viviane Urio, moment sublime…)
(Si vous êtes chez vous, installez-vous confortablement avec une bougie allumée en face…)
Je vous invite à contempler le Feu qui danse sous vos yeux. Ne contemplez pas juste sa couleur… son mouvement… son odeur… ses crépitements… mais regardez-le en Esprit. Regardez-le vous regarder. Il échange avec vous. Vous le contemplez, il vous offre un spectacle, un voyage. Acceptez son cadeau. Regardez ses flammes. Focalisez-vous sur une flamme. Laissez votre esprit s’apaiser à sa vue, les pensées s’évanouir, les tensions se dissiper… Cette flamme vous regarde, Vous, assis autour du Feu.
Cette flamme vous regarde, vous, debout dans une forêt sombre, seul(e). Elle naît désormais d’une bougie blanche encadrée d’une jolie lanterne que vous portez de votre main. C’est la même flamme. Elle vous apaise toujours autant, même si le décor a changé. Elle danse, vous montre qu’il vous faut vous aussi avancer, et vous guide sur votre chemin. Enfin, rassuré(e) que la flamme vous protège en gardienne, vous détournez votre regard d’elle pour vous concentrer sur votre chemin. On ne sait pas trop où l’on va, ni pourquoi. Mais elle nous incite à la confiance.
Il fait sombre. Une part de vous crie méfiance, vous fait comprendre qu’il serait tout à fait naturel de paniquer en cette nuit de Samhain. Qu’il est bien connu que les Esprits errent eux aussi en cette nuit où le Voile entre les Mondes est au plus fin, et qu’il serait bon de rebrousser chemin. Mais rien n’y fait, cette flamme brille assidument et ne laisse pas la place à ces peurs de s’installer en vous. C’est alors que vous pouvez avancer sereinement dans ce bois, espérant presque croiser le Vieux Jack, un homme si mauvais que ni le Ciel ni l’Enfer ne voulait de lui. Condamné au purgatoire à tout jamais, on le voit parfois errer les couloirs des Mondes suivant sa lanterne taillée dans un navet…
Plus inquiétant, vous pourriez croiser une Pucah, ces fées qui changent de formes, séduisent et enlèvent les malheureux. Ou encore un Dullahan, lutin malicieux ou cavalier sans tête, présage de Mort, comme la Banshee d’ailleurs dont le cri perçant vous glacerait le sang. Ou peut-être une truie noire, incarnation du Diable. Pire, l’Armée des Fées, la Chasse Sauvage, avec ses cavaliers sans têtes accompagnés de leurs chiens de chasses à l’affût de la moindre âme errant seule. On dit même que ces chiens seraient les âmes des enfants morts non-baptisés…
La flamme brille ardemment. Les quelques tensions qu’ont soulevées ces pensées s’estompent une fois de plus, emportées dans un soupir. Il lui en faudrait bien plus pour lui faire peur à Elle, cette flamme vaillante.
Les enfants aiment se raconter des histoires d’horreur en cette nuit si singulière pour se faire peur. Dame Gwyn (wen), la fameuse Dame Blanche pourrait aussi surgir à tout moment, victime d’un meurtre ou suicide, pauvre âme en peine feignant d’implorer de l’aide aux malheureux visiteurs avant de les poursuivre dans la Nuit Noire… On oublie vite que la légende naît d’une déesse de l’Eau, Cerridwen, drapée de blanc qui voyagerait paisiblement dans la Nuit. La Peur attise bien souvent plus l’imagination des plus jeunes que les mémoires de divinités bienveillantes…
La flamme persévère dans sa lueur. Les pensées s’estompent à nouveau. Nos pieds continuent d’avancer, d’un pas plus sûr, de plus en plus confiant en cette flamme. Parfois, l’on croit apercevoir une ombre, quelque chose qui bouge du coin de l’œil. Mais c’est avec curiosité et excitation que nous rencontrons ces probabilités ; l’envers de la pièce de la Peur.
La sombre forêt s’amincit, et une faible lumière, trop faible pour comprendre si elle naît du Soleil ou de la Lune, pénètre dans le bois. La flamme se réjouit et danse plus joyeusement. L’air est frais et particulièrement humide. La mousse sous nos pieds nous laisse entendre l’eau qui l’imbibe. La brume commence à s’immiscer dans le bois, épaisse, impénétrable. Les arbres se font de plus en plus rares, laissant place à des gros cailloux, puis des petits rochers mousseux éparpillés entre des herbes qui montent jusqu’aux genoux. La brume est si épaisse qu’elle ne nous laisse pas entrevoir à plus de quelques pas devant nous. Le Mystère nous intrigue, il est difficile de contenir notre hâte. Nous ne savons pas à quoi nous attendre, mais la flamme nous a promis un beau voyage.
Nous avançons avec hâte et précaution, pas à pas, jusqu’à ce que le sol se fasse de plus en plus marécageux. Légèrement inquiets, voyant que l’eau arriverait presque jusqu’au mi-mollet, on garde la foi et on suit encore les murmures de cette flamme. Quand commence à se distinguer une nouvelle forme dans le paysage…
Une barque, en bois foncé, simple sans cérémonie, amarrée à un simple poteau en bois planté dans l’eau. A son bord, tenant un grand bâton surmonté d’une pierre blanche, une femme de dos, encapuchonnée, parée d’une cape bleue. Elle se tourne lentement, nous regarde arriver à elle. Elle ne sourit pas, mais on se sait bienvenus, et attendus. Elle porte un croissant de lune bleu en coupe au niveau de son troisième œil, symbole des prêtresses de l’île sacrée d’Avalon. Elle nous invite d’un simple regard, sans échanger mot, à la rejoindre sur la barque.
Guidés de la flamme, nous embarquons à l’aide d’un gros rocher, prenant assise pour contempler la druidesse prête à user de son art. Placée devant nous à la proue, elle lève les bras au Ciel avec son bâton, et commence à entonner des chants, des prières dans la vieille langue de l’île. La barque se met en mouvement comme par magie, et la brume s’écarte autour d’elle.
Nous voguons doucement au travers de cette brume, toujours dans cette faible lumière qui ne nous dit pas s’il fait nuit ou jour. Seul le clapotis de l’eau au passage de notre vaisseau et les prières de la prêtresse se font entendre. Notre lanterne est posée devant nous, tranquille, sans avoir besoin de guider le chemin maintenant qu’une autre a pris le relais.
Alors que la brume se dégage petit à petit, apparaît enfin l’Île sacrée, l’île aux Pommes : Avalon. L’Île des prêtresses et druides, l’île de la guérison, l’île de la Mort. En nous approchant, l’on voit les pommiers aux feuilles jaunies par la saison, des paniers à leurs pieds remplis à ras bord de grosses pommes juteuses. La dernière récolte a été faite, il est temps de rentrer pour l’Hiver.
Arrivés à l’île, nous descendons de la barque avec notre lanterne et notre guide. Celle-ci nous fait encore signe de la suivre sur le rivage vers les terres. Marchant pendant un moment, nous prenons le temps de ressentir l’énergie de cette île, de ses bienfaits, de son Sacré, de ses légendes. Le Roi Arthur serait venu ici pour guérir, ou mourir, selon les dires. Il dort dans ces paysages, prêt à revenir le jour où l’on aura besoin de lui, quand nous lui feront appel.
Nous voici arrivés à un énorme monticule de terre, un tertre. Marqué de spirales sacrées gravées tantôt sur les pierres qui l’entourent, tantôt sur l’herbe qui le recouvre, il impose un silence d’or. La prêtresse nous en fait faire le tour, neuf fois. La route a été longue, nos pieds commencent à fatiguer. A la neuvième fois, une petite porte en bois se révèle. Elle nous fait signe d’entrer, seul(e), avec notre lanterne.
La porte se ferme seule derrière nous, ayant à peine eu le temps d’éclairer l’intérieur du tertre. Il fait si sombre que la flamme semble presque absorbée elle aussi par les ténèbres. Et puis, une flamme apparait comme par magie à une dizaine de mètres devant nous, se tenant droite sur une bougie noire. Un corbeau se tient à son côté, fier sur son perchoir. Il nous regarde d’un œil ferme et doux, avant de prendre son envol vers l’épaule de celle qui a demandé à la bougie de s’embraser. Elle n’est autre que la Déesse Sombre, La Reine Fantôme : la Morrigan.
On la distingue à peine avec cette bougie, mais bientôt d’autres s’allumèrent dans plusieurs recoins de la pièce. Alors, sa personne se révèle. Elle porte un long manteau de plumes noires. Un teint pâle contraste avec ses cheveux qui semblent encore plus sombres. Dans ses yeux danse une flamme qui n’est pas connue du monde des hommes. Déesse de la Guerre et de la Mort, ses traits sont à peine marqués par les évènements dont elle a été témoin, voire provocatrice. Des averses de feu et de sang qu’elle a commandé. Des nuages noirs qu’elle a ordonné de s’abattre sur les champs de bataille. De la brume qu’elle a convoquée pour ébranler les soldats, qui tremblent de peur à l’idée d’avoir une vision d’elle lavant leur linge, présage de mort imminente.
Elle pourrait nous faire peur, nous intimider, mais le voyage est toujours béni de la protection de notre flamme, même dans l’antre le plus sombre de la terre, en présence de sa plus sombre déesse. La contemplant sans jugements, elle nous rappelle l’ombre que nous portons en chacun de nous. Nos torts, nos travers, nos tourments.
Après cette première impression envoûtante, nos yeux commencent à se promener dans la salle. Dans un coin, sur un petit tapis pourpre brodé, des vieux os et autres objets de la terre ont été lancés. Elle y a lu des augures pour les prêtresses de l’île. Un jeu de dés est également déposé à côté du tapis, taillés dans ces mêmes os. Astragalomancie.
Un lit est arrangé au fond de la pièce, à côté d’une majestueuse obsidienne dorée, prête à amplifier les rêves. Oniromancie.
Des jeux de tarots, runes et oghams et autres outils de cartomancie sont dispersés un peu partout. Des tasses avec des feuilles de thé ou autres plantes de l’île aussi. Des boules de cristal. Des miroirs. Des flacons. Des encens. La pièce est chargée d’objets magiques du quotidien. Des pommes des dernières récoltes sont posées et découpées de multiples façons sur une table.
La Morrigan s’approche de nous, le corbeau toujours perché sur son épaule. Elle nous fait signe de nous avancer vers une bassine d’eau argentée. Hydromancie. Nous fait signe de nous y pencher, et de contempler notre reflet. A son tour, elle entonne des incantations d’une voix rauque. D’un simple geste de la main sans même toucher l’eau, celle-ci part en spirales.
« En cette pleine lune de Samhain, le Temps nous révèle sa nature illusoire. Puisse-t-il t’emmener là où tu dois Voir. »
Nous voici captivés par cette spirale, qui grandit, grandit, grandit.
Nous voici propulsé à un autre Temps, celui des Anciens. C’est le crépuscule, le début du nouveau jour. Toute chose commence à la tombée de la nuit, à cette époque, alors que nous l’avons reculé à la mi-nuit aujourd’hui. Nous sommes au milieu d’un village, simples observateurs des préparatifs de la Nuit des Anciens, All Hallows’ Eve, la Nuit Espiègle. La première gelée est passée, alors les familles éteindront les feux dans leurs foyers juste avant de rejoindre ceux des druides. Elles en allument dehors autour du village pour les protéger des fées, de leurs sorts et de la magie noire, ainsi que pour guider les défunts vers les Terres de l’Eté. Chaque feu porte un nom ; ceux-là, on les appelle les Samghnagans.
Le bétail est redescendu des pâturages. Le village sent la mort. En effet, il n’est pas possible de garder toutes ces bêtes en intérieur pendant l’hiver. Les plus faibles seront abattues pour être dépecés et salés, puis mangés plus tard dans l’année. On les traite dans le plus grand respect, conscient que leur chaire permettra de nourrir la nôtre dans les plus grands froids. Les fruits aussi sont triés et traités pour durer tout un hiver. Les jeunes filles se bousculent pour trier les pommes, et choisir celle qui leur donnera l’initiale du nom de leur futur mari. Elles pèlent leur pomme d’une traite et jettent la pelure par-dessus l’épaule pour observer la forme qu’elle prendra pour indiquer la lettre du destin. D’autres courent vers les champs et, les yeux bandés, tirent au hasard un chou dont les racines leurs permettront de deviner le genre de mari qu’elles auront.
Un jeune homme passe devant nous, le regard apeuré. Il pense avoir vu un esprit. Il se penche et se jette de la terre sous les pieds pour éloigner toute présence malveillante. Il repart serein rejoindre sa famille au chaud. Il ne fait pas bon de traîner dehors en cette soirée.
Au travers des fenêtres, on peut observer les rites de protection mis en place pour une nuit paisible. Les enfants et berceaux sont aspergés d’eau bénite, de sel ou d’avoine. Certains placent les braises froides dans le berceau, ou le métal réputé pour éloigner les petits peuples qui existaient avant l’âge de fer. Le repas est préparé, et une assiette fournie généreusement fait face à une chaise apparemment vide, prête à accueillir une âme aimée de la famille. On l’appelle La Compagnie Silencieuse. De la nourriture est également laissée dehors, sous la protection des branches de sureau, pour les âmes qui n’ont plus de famille auprès desquelles se recueillir. Personne ne touche son assiette avant qu’un singe magique n’apparaisse, à moins d’être condamné à devenir un fantôme affamé pour l’éternité. Un grand chien blanc passe devant une des fenêtres. Deux hommes portant le corps d’un troisième sans vie devant une autre. Ce sont les signes qu’ils attendaient. Les repas commencent, on mange avec parcimonie, se rappelant que les réserves doivent tenir l’Hiver. On se rappelle les ancêtres et on rit de leurs anecdotes. Pommes, noix et choux kales sont à l’honneur.
De temps à autre, on frappe à la porte. Ce sont des mendiants qui demandent des gâteaux en échange d’une prière pour leurs défunts. On ne les refuse pas, car les défunts pourraient s’en venger. Parfois, ce sont des jeunes filles qui demandent des fleurs pour les déposer sur les tombes. Parfois, des jeunes déguisés en esprits diaboliques pour faire peur aux plus vils esprits, le visage noirci de cendres, qui demandent des sucreries au risque de faire des farces. Les fées aiment les farces, c’est bien connu. Alors, les jeunes gens en profitent parfois pour semer le trouble et les blâmer en cette nuit espiègle. Certains s’amusent à graisser les poignées des portes. D’autres lancent des choux contre les murs de leurs voisins. On brûle des effigies de vielle sorcière. L’imagination est à son comble, pour le bonheur ou le malheur de chacun. Il est bon d’avoir peu d’ennemis en une nuit de Samhain.
Alors que les feux s’éteignent dans les foyers, on rejoint les druides qui s’apprêtent à allumer des feux communautaires sur la colline. Les feux seront si grands qu’on les percevra depuis les comtés alentours. Chacun repartira ensuite avec sa torche pour rallumer le feu chez soi. Des danseurs entourent la colline et virevoltent imitant les fées, leur faisant ainsi comprendre que la place est prise. Quand un cercle est formé, les druides allument le feu par la friction d’une roue et d’un fuseau. Cette roue, tournant d’est en ouest, représente notre cher Soleil, qui semble déjà loin.
On entre ensemble dans le Royaume de l’Ombre. Chacun nomme ses torts de l’année, se repentit, demande pardon, promet de ne plus recommencer. On se berce de compliments, se rassurant de nos bons fonds, tout en acceptant cette part d’ombre qui nous ronge. Pour certains, la jalousie, ou l’envie. Pour d’autres, l’avarice. La colère. La peur. Le manque de respect envers autrui, envers soi-même. La honte. C’est le moment de faire la paix avec nos ombres, pour les empêcher de nous dévorer pendant les mois plus sombres. On fait des vœux, on se débarrasse de ce qui ne nous sert plus, ce qui doit mourir. On accepte ce qui doit rester.
On demande clémence à l’Hiver. On prie la Calleach Bheur, Vielle Femme de l’Hiver. On prie la Morrigan et ses multiples noms et facettes.
Alors que les rites pour les ancêtres et les défunts s’apprêtent à commencer, une main glacée sur l’épaule nous ramène de notre songe. Le cœur battant fort, nous sortons de la trance engendrée par l’eau et la Morrigan nous regarde. Elle nous laisse une minute pour nous réhabituer à la pénombre de la pièce et reprendre nos esprits.
Notre petite flamme brille toujours de son éclat rassurant.
La Morrigan nous dirige vers un miroir, nous fait assoir devant. Elle nous tend un bol avec un jus vert dedans : du bois de sureau, avec lequel elle souhaite que l’on se frotte les yeux pour « voir ». Elle place une pomme et nous demande de la couper en neufs bouts. On en mange huit. Puis, dos au miroir, on jette le neuvième par-dessus l’épaule gauche, suivant attentivement ses instructions.
« Et maintenant, tourne-toi vers la gauche, vers le miroir. Laisse-toi emporter par ce que tu vois. »
Le reflet de la flamme dans le miroir nous éblouit, et nous propulse au milieu d’une journée fraîche et ensoleillée d’une autre époque. Nous voilà devant une tombe fraîchement creusée, entourée de plusieurs personnes se tenant solennellement à son bord. Des fleurs ont été déposée autour. Un corps doux et beau d’un vieil homme repose paisiblement au milieu de cette tombe, orné de ses plus beaux apparats. Il semble presque vivant et heureux, un doux sourire aux lèvres. Un air si bienveillant qu’il semblerait presque familier. Il porte de l’or et du bronze, a une lance posée à côté de lui, prête à être utilisée aux prochains combats d’une autre vie. Son bouclier le protégera également.
Hommes et femmes ne montrent pas de larmes. Ils se réjouissent de son chemin vers les Terres de l’été, là où il fait toujours bon vivre. Certains se moquent affectueusement de lui, se rappelant ses petits travers de son vivant, et les dettes qu’il se devra d’honorer dans sa prochaine incarnation. D’autres le soupirent ; sa bonne humeur et ses farces manqueront à ses proches.
Dans une vieille langue que nous nous surprenons à comprendre, un druide explique :
« La mort, c’est le milieu d’une longue vie. Puisses-tu, Ami, partir en paix, et nous revenir quand tu auras profité de ta retraite. »
Son nom est prononcé. Il porte le même nom que nous. C’est un ancêtre.
Notre cœur bat plus fort. C’est notre famille, d’il y a très longtemps. L’émotion monte, on se sent fièr(e) de cet homme, sans pour autant l’avoir connu. La vision se brouille, alors que peut-être les larmes nous montent à l’œil.
Face au miroir, d’autres visages nous apparaissent. Certains aux traits familiers, des parents, grands-parents, peut-être des plus jeunes. Une bouffée de reconnaissance nous submerge, prenant conscience de l’héritage que nous avons reçu. De tout cet amour qui nous contemple. Et puis il y a d’autres visages qui ne nous ressemblent pas comme ça, des gens avec lesquels nous partageons peu de sang, mais qu’on a tendrement aimé aussi. Regardez comment leurs traits, que nous partagions la même lignée ou non, ont contribué à notre physionomie. Quelles sont les rides marquées par un fou rire partagé ? Celles par la douleur de leur départ ?
Quels sont les souvenirs que l’on chérit le plus ? Quels ont été leurs pires défauts, qui nous agaçaient tant de leur vivant et que l’on rêverait aujourd’hui de pouvoir chérir en leur présence à nouveau ? « Ah si il ou elle pouvait me taper sur les nerfs encore une fois »… demandez, il ou elle n’est peut-être pas si loin. Cette personne a fait son sac, est partie des Terres de l’Eté pour vous rendre visite ce soir. Ou peut-être pas. Peut-être vient-elle seulement d’arriver et elle a encore tant à découvrir, qu’elle n’a pas encore eu le temps de se trouver un sac à dos. Peut-être y est-elle depuis des années et fait une belotte avec les copains ce soir. Peut-être est-elle déjà partie vers une autre incarnation, et coexiste déjà avec nous… Aimeriez-vous lui dire quelque chose ? Alors, appelez un corbeau. Il lui livrera le message.
Et voici qu’un croissement discret du corbeau de la Morrigan nous ramène à nous à nouveau, suivi du bruit d’un battement d’ailes. La Déesse Sombre est partie, et a emporté tout son matériel avec elle. Reste, seule, notre petite lanterne éclairée au milieu du tertre. Alors, nous retournons vers elle. Nous nous agenouillons, la contemplons avec amour et paix dans le cœur. Elle danse à nouveau pour nous, joyeuse de nous voir lui accorder notre attention, notre amour. Elle danse, et avec elles, ses sœurs. Celle du Feu, qui illumine notre soirée, en cette nuit Sacrée de Samhain…
Ecrit par Sarah pour la cérémonie de
Samhain du 28 octobre 2023
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